L’histoire a ses mythologies et l’art a Benjamin Vautier. L’enfant de Naples est comme Ulysse, passé sur toutes les plages de Méditerranée. De l’Italie qui l’a vu naître en 1935, il a fait le voyage vers la Turquie, la Grèce ou l’Egypte, et croisé sur sa route les héros et les dieux : Marcel Duchamp, John Cage, Francis Picabia, Georges Ribemont-Dessaignes, Yves Klein, bien sûr. Ce choc de titans, Vautier l’a d’abord vécu en benjamin comme une jeune pousse de la révolution Dada. Dans les années 60, il s’engage auprès du mouvement Fluxus qui dynamite les catégories de l’art : Ben devient voleur de feu professionnel, un spécialiste de la critique institutionnelle.
Depuis cinquante ans, rien n’a changé sinon le marketing. Il inonde ses contemporains avec des aphorismes calligraphiés, il se moque, irrite et gratte. Un jeu d’enfant qui attire encore la foudre. Certains verraient bien ce Prométhée se faire béqueter le foie sur la colline de Saint-Pancrace, sur les hauteurs de Nice. On feint souvent de croire qu’il s’agit de flatter l’ego naissant des impubères, des Narcisse en puissance qui s’affirment à chaque rentrée scolaire en achetant ses agendas estampillés «moi je». Mais contrairement aux apparences, Ben ne fait pas des produits dérivés. Il est lui-même un produit dérivé ; mais d’où ?
«De la cuisse de Jupiter», dit-il. La filiation divine débute avec Marc Louis Benjamin Vautier, l’arrière-grand-père helvète qui a fait profession