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Libération
Critique

S’emparer des «désemparés»

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Redécouverte, en DVD, du dernier film américain de Max Ophüls, assorti de deux interviews passionnantes.
publié le 3 avril 2010 à 0h00

C'est à une épatante leçon de cinéma qu'invite cette édition des Désemparés, dernier film américain de Max Ophüls, tourné en 1949 et devenu, jusqu'à aujourd'hui, une rareté de cinémathèque. Outre la qualité de la version, ce DVD est accompagné de deux interventions passionnantes. L'une du grand spécialiste américain d'Ophüls, Lutz Bacher, l'autre du réalisateur Todd Haynes, grand admirateur du cinéaste allemand, au point de décrire ici tous les points référentiels dont il s'est inspiré pour construire les personnages et le scénario deLoin du paradis. The Reckless Moment, titre original du film (le Moment d'égarement), est tiré d'un roman d'Elisabeth Sanxay Holding, un mélo classique mettant en scène une femme qui sauve sa fille de 17 ans du monstrueux pétrin dans lequel elle s'est fourrée. La mère courage est seule aux manettes tandis qu'en ces années d'immédiate après-guerre, son ingénieur de mari travaille à la reconstruction de l'Europe et, au passage, à son enrichissement personnel.

Idylle. Max Ophüls, tout en conservant l'intrigue du roman, en fait autre chose. Une rencontre formelle et théorique entre mélodrame et film noir, comme le souligne Todd Haynes, mais aussi un réquisitoire féministe tout en subtilités du piège absolu que peut représenter le très convenable foyer américain typique. L'héroïne (Joan Bennett) est une mère de famille obsédée par l'ordre et par les convenances, constamment agacée quelle que soit la