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Libération

«Ce qu’il est con ce Baader»

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Dans les archives de «Libé», il y a 5 ans. Vingt-cinq ans après la mort de Jean-Paul Sartre, le 15 avril 1980, nous publiions le témoignage de Daniel Cohn-Bendit sur ses rencontres avec le philosophe qui, en 1974, rendait visite au chef de la Fraction armée rouge, incarcéré en Allemagne.
publié le 17 avril 2010 à 0h00

Je suis sûrement une des rares personnes à avoir fait la connaissance du monumental Jean-Paul Sartre avant même de savoir qui il était. Je devais avoir 8 ou 9 ans et j'avais rendez-vous au quartier Latin avec mon frère Gaby, de neuf ans mon aîné, pour une balade au Luxembourg. Sûrement un de ces petits jeux de pousse-pousse bateaux dont je raffolais tant. La veille, Gaby me confia que notre surprise-partie commune devait être remise sine die car il avait rendez-vous avec un des plus grands philosophes contemporains. Il faut savoir qu'il était secrétaire de la cellule philo de l'union des étudiants communistes, tendance opposition à la ligne du parti, et que le fameux plus grand philosophe avait accepté de participer à un débat organisé par ladite cellule, donc par mon frère. C'était ni plus ni moins Jean-Paul Sartre qui me confisquait mon après-midi récréatif pour préparer cette grande manifestation publique qui laisserait des traces dans l'histoire. C'est ainsi que je découvris un intellectuel d'envergure qui allait, par ses écrits, par son engagement, par son art de vivre la liberté en public et en privé, marquer plusieurs générations, surtout celle de mon frère. Je me souviens de discussions dans un café parisien, auxquelles j'avais le droit d'assister les jeudis de liberté, où le couple Beauvoir-Sartre était encensé comme modèle révolutionnant la famille bourgeoise. Ce n'est qu'une quarantaine d'années plus tard que Françoise Sagan, lors de notre rencontre, me fit découv