C’est un jour d’avril à nuages avant-coureurs de pluie et le jeune homme traverse l’avenue Montaigne. Pardessus en laine sur col roulé, silhouette fine et bon chic. Il faut le héler pour que ses yeux livides vous croisent et que sa main douce serre la vôtre. A Paris, il vit seul depuis trois ans sous un nom d’emprunt : Gaspard Proust. Une traduction phonétique du patronyme à consonance germanique imprimé sur son double passeport suisse et slovène, affirme-t-il. Célibataire, il ne fait pas son âge : 33 ans. N’a pas d’enfants et bien peu d’amis hormis quelques homosexuels qui, dit-il, ne lui font pas concurrence auprès de la gent féminine. Avec laquelle il entretient des relations aussi charnelles et passionnées qu’épisodiques. Depuis le mois de février, il court une heure tous les soirs - sauf le lundi - dans une salle de gymnastique, juste avant d’entrer sur la scène minuscule du Théâtre du studio des Champs-Elysées.
Des bouches de la rive droite aux oreilles de la rive gauche, sa renommée est en plein essor. On l'a vu sur le plateau de Ce soir ou jamais conseiller au prédicateur musulman Tariq Ramadan de se convertir au catholicisme pour soigner sa surmédiatisation. Il intervient sur Europe 1 dans la bande à Laurent Ruquier, qui produit son spectacle. Les gazettes glosent sur son son humour décalé, son goût du dégoût, citent Cioran. Le voilà en passe de devenir le nouveau Desproges qu'il «connaît mal».«Il n'est pas de ma génération.» Mais G. Proust