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Libération

Avec mes amis morts et enterrés

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La Semaine de Mathias Enard.
par Mathias ENARD
publié le 14 août 2010 à 0h00

Samedi

L’écrivain serbe

Un hasard étrange veut que la rédaction de cette «semaine» coïncide, pour la seconde fois, avec la visite de l’écrivain serbe Igor Marojevic à Barcelone. Nous voilà donc, Igor et moi, en train de nous frayer un chemin parmi les touristes qui ont envahi la ville ; nous marchons au cœur d’un nuage d’huile solaire avant de nous rendre compte que notre bar préféré est inaccessible, pris d’assaut par les hordes estivantes. Je jure, je m’énerve, je trépigne et lance force imprécations contre ces dégénérés maniaques de coups de soleil et de photos souvenirs. Nous nous replions à contrecœur dans un quartier excentré. Enfin attablés devant une bière, j’explique à Igor que je pars le lendemain pour l’Autriche, ce qui le fait doucement rigoler : tu vas te transformer en touriste à ton tour, c’est bien la peine de pester.

Il a raison, et c’est un peu le paradoxe du mois d’août : tout le monde devient le touriste de l’autre. Bien évidemment, réponds-je par pure méchanceté, en Serbie on serait nettement plus tranquilles.

Dimanche

Pas de pantalon court

Je ne suis pas un touriste, moi, je vais en Autriche pour retrouver des amis, à Vienne, puis en Haute-Autriche et en Carinthie. On pourra évidemment m'objecter que ces soi-disant amis sont morts et enterrés depuis longtemps, que je ne les connais que par leurs œuvres et qu'ils font partie du patrimoine «touristique» de l'Autriche. Soit, e