En temps de guerre, il est vivement déconseillé de s’habiller de manière voyante, de traîner toute la journée au bistrot et de se foutre ouvertement de l’effort patriotique. A la longue, il n’est pas exclu que les autorités puissent en concevoir une certaine irritation. Au début des années 40, pas vraiment les plus folichonnes, c’était pourtant le mode de vie des zoot suiters aux Etats-Unis et des zazous en France. Jeunes bourgeois des Champs-Elysées et de Saint-Germain-des-Prés, prolos noirs et portoricains de Harlem, gangs mexicains de Los Angeles, ces trois tribus étaient réunies par un lien magique traversant océan et continents : le swing qui rendait dingues les jeunes, et hargneux les tenants de l’ordre. Ces braves petits, pacifistes convaincus, loubards occasionnels ou simplement rebelles à l’autorité, ont transgressé les règles et les bienséances de leur époque, en affichant crânement leur contestation ironique et, compte tenu du contexte un brin tendu, diablement excentrique.
C’est à New York qu’il faut chercher les pionniers. A Harlem, au début des années 40, alors que le quartier est encore un faubourg où se sont mêlés immeubles bourgeois, taudis délabrés pour immigrants fraîchement débarqués et logements sociaux flambant neufs. La grande dépression a solidement plombé les folles années 20 durant lesquelles, entre bars clandestins et Cotton Club, apparition d’un courant artistique afro-américain et naissance d’une classe moyenne, s’était faufilé un fragile espoir d