Chère Amélie,
Vos livres sont au fromage ce que les Apéricubes sont à la littérature. Tous les matins, vous écrivez quatre heures, comme «vache à traire», dites-vous. Et chaque septembre, pour la rentrée littéraire, le public a droit à son amuse-gueule, bien ficelé, sous emballage doré. En couverture, une photo de vous, prise par un grand photographe, différent chaque année. Bref, de la bonne crèmerie qui sent bon l'industrie.
Vous aviez commencé fort, pourtant, livrant à 25 ans cette chose extrêmement corsée, amère et salée : Hygiène de l'assassin. On croyait lire du Michel Tournier qui se serait planqué sous un pseudonyme féminin, mais c'était bien vous, aussitôt consacrée princesse des promesses littéraires. Ensuite, plus rien. Pression ? Succès ? Fruits pourris ? Lait tourné ? La panne sèche a duré cinq romans, jusqu'à Stupeur et tremblements. Une japonaiserie sur vos malheurs au pays des salary men. Ce livre vous a propulsée dans la stratosphère des 250 000 ventes assurées, au bas mot, chaque fois que vous mettez bas - sans jeu de mots. Car ce sont bien vos «enfants», ces dix-neuf romans. «Je les aime tous, confirmez-vous, même ceux qui n'ont pas été publiés. J'ai pour eux un amour fou et ils me créent des problèmes infinis… Contre la dépression post-partum, j'ai trouvé le meilleur remède : je retombe enceinte tout de suite.»
Mais revenons à nos frometons. Après Stupeur…, que les fines bouches ont surnommé