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La marée était en noir

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[SNSM, des hommes à la Mer] . Traversant à pied la baie du Mont-Saint-Michel, un père et sa fille se sont fait surprendre par la montée des eaux.
publié le 20 août 2010 à 0h00

Du sable, de l’eau et des sortilèges… Ils étaient partis sur la grève humide, entre Tombelaine et le Mont-Saint-Michel (Manche), alors que la mer semblait loin, perdue dans la direction de Cancale (Ille-et-Vilaine), tirée comme un tapis par la plus grande marée d’Europe. Mais, à l’heure du retour, le filet d’eau qui s’écoulait deux heures plus tôt entre les deux rives de sable, et qu’ils avaient franchi sans presque s’en apercevoir, était devenu une rivière tumultueuse où le courant pouvait vaincre le meilleur nageur. Le père avait pris sa petite fille par la main et il avait tenté de traverser. On a vu passer leurs deux têtes émergeant à peine, emportées par une eau grise, vers le fond de la baie.

Sable maléfique

Pour le public, la baie du Mont-Saint-Michel évoque des menaces moyenâgeuses. On parle des sables mouvants, qui engloutirent les pèlerins dans les temps anciens. On n’a pas tort. En temps normal, une croûte de sable porte les piétons. Mais s’ils sont trop nombreux et foulent trop longtemps le même endroit, cette croûte se ramollit, l’eau enfouie remonte à la surface et transforme le sable en un piège gluant qui aspire les marcheurs. Il faut alors sortir les cordes et les échelles, ou même, comme on l’a fait récemment pour un groupe - trop confiant - qui traversait la baie, appeler les hélicoptères pour extraire du sol les touristes enfoncés jusqu’à la taille dans ce sable maléfique. L’incident est rare : il faut un piétinement inhabituel pour que les