Nous sommes en octobre 1917, vous ne le savez pas encore, mais vous venez de perdre la guerre. Ça se passe à Nantes et à La Rochelle. Pour l’instant seules prédominent la joie, l’euphorie de l’accueil, de la nouveauté, de l’exotisme. C’est l’arrivée de corps frais et jeunes. Des corps entiers surtout. Adieu les gueules cassées, les poilus démembrés, dévirilisés, suintant la peur, le sang et la merde des tranchées. Bienvenue aux boys qui débarquent de derrière l’horizon. «I want you», a dit l’Oncle Sam, alors ils sont là. C’est aussi simple que cela. Ce n’est pas la Marianne de 89, nos ancêtres les Gaulois ou Charlemagne qui vous appellent, c’est un type coiffé d’un chapeau de foire qui vous regarde. Pas d’affiches détaillant la mobilisation générale, juste un slogan pointant du doigt le lecteur. Une implication totale de celui qui lit. C’est comme cela que l’on gagne une guerre.
Vous ne le savez pas encore, mais votre excitation quasi érotique devant cette armée verte tant dans l'habit que dans l'esprit marque le début de votre inexorable déclin. Et dans votre chute, vous nous entraînerez tous comme un seul homme. Vous, c'est les Français de France. Nous, nous sommes l'à-côté, le périphérique. Romands, Wallons, Québécois et petits nègres pour tous ceux qui évoluent au-dessous du 35e parallèle nord. Pour être honnête, nous portons une part de responsabilité dans votre, notre bérézina. La faute commune ? C'est justement cette armée de milice qu'on appelle francophoni