Primé en mai à Cannes, Mahamat-Saleh Haroun, dit «MSH», a-t-il pris le cigare ? Non, mais le cinéaste tchadien tète avec gourmandise un modèle gros barreau, à la terrasse d'un café parisien. Car ce type-là est arrivé, la preuve : bien que travailleur immigré en France depuis près de trente ans, il a reçu une lettre du président Sarkozy lui adressant, le 28 mai, ses «chaleureuses félicitations» pour le prix du jury à Cannes décerné à Un homme qui crie, film «bouleversant» qui sort mercredi en France. Une deuxième lettre est venue du président Déby, pour qui «le sens et la profondeur [du] film interpellent plus d'un dirigeant africain». A commencer par lui-même ? Le film montre comment, en pleine guerre civile, un père devient traître et lâche avec son fils. Le chef d'Etat tchadien y a vu «une invite à la méditation pour une Afrique sans guerre».
Bien qu'adoubé par deux présidents, Haroun n'est devenu président de rien du tout, et certainement pas du cinéma africain au seul motif que son film était le premier opus du continent en compétition sur la Croisette depuis treize ans. Il ne s'en voit ni porte-parole ni ambassadeur, MSH, 48 ans, ne préside qu'à sa petite destinée d'«artisan» de la pellicule, même s'il a façonné un bel exploit, en mettant le Tchad, pays sans tradition cinématographique ni salle en activité, sur la carte du monde. C'est la réussite d'un entêtement : la disparition du cinéma dans son pays natal constitu