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Libération

Attachés à la Petite Ceinture

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Autour de Paris, bobos, vagabonds et curieux investissent cette voie ferroviaire désaffectée. En attendant la réhabilitation.
publié le 9 octobre 2010 à 0h00

La petite ceinture ferroviaire de Paris est un lieu singulier, où chacun vient puiser ce qu'il désire. Aujourd'hui désaffectée, cette double voie de 23 km, construite de 1852 à 1869 pour convoyer des marchandises entre les différentes gares de la capitale, séduit le peuple qui l'arpente. Bobos, pic-niquos, intellos, ou des fidèles, clodos, marginaux, romanos, tous y cherchent le refuge ou l'éternité de l'espace urbain. Assis sur le quai bariolé de l'ancienne gare de la rue d'Avron (XXe arrondissement), on entend les bruits de la ville sans être à sa merci. On épie d'une passerelle rouillée sans être vu. Parfois, on se surprend, voyeur, à mater un intérieur par-delà une fenêtre aux persiennes échardées.

On a fait un tour de Petite Ceinture car mille racontars nous étaient arrivés aux oreilles. Il y aurait la nuit des messes noires, des combats de molosses, des séances de shoot collectives.

Deux jours sur les rails ne montrent rien d'aussi glauque. En dépit de l'interdiction d'y accéder décrétée par le propriétaire (Réseau ferré de France) dès 1942, il y fourmille une vie, où le jogging côtoie la faim. Le quinqua cravaté pose le pantalon à pinces à hauteur de la porte de Vincennes, pour enfiler un short et réviser son marathon de New York. Il choisira un tronçon dépourvu des interminables tunnels à l'odeur âcre, où l'on percute d'abord un sèche-linge naufragé, avant de se prendre les pieds dans des torsades de câbles métalliques, détroussées de leur précieux cuivre. U