La Flûte enchantée enregistrée par René Jacobs avec l'Akademie für Alte Musik pour Harmonia Mundi est l'événement discographique de la rentrée. En moins de dix ans, le chef et musicologue gantois s'est imposé comme le meilleur mozartien de la planète. Dès ses Noces de Figaro sur instruments anciens, tempos vifs et contrastés, avec des chanteurs ayant l'âge de leur personnage, Jacobs a fait la différence en matière de rhétorique, style, phrasés, logique rythmique et articulation du discours - sans quoi, il n'y a pas de progression dramatique. Il a enchaîné avec Così Fan Tutte, puis une Clémence de Titus transformée en viscérale épopée de sentiments, grâce à des récitatifs déclamés par des solistes en état d'urgence sur un continuo d'une imagination et d'une expressivité folles.
Bruitages. Après son Don Giovanni, qui marqua par la qualité madrigalesque des ensembles vocaux, et une façon d'exalter l'harmonie jusqu'à en faire le moteur de la dramaturgie même, Jacobs a livré un Idoménée surprenant d'étoffe et de legato, et des symphonies 38 à 41 pas moins fantastiques avec les Freiburger Barockorchester.
Qu'allait-il faire de la Flûte? Il la dirige en pleine connaissance de la philosophie maçonnique qui l'a inspirée et de sa symbolique chiffrée : trois Dames, triples croches ascendantes du trio des garçons... Voilà pourquoi il ne coupe pas les dialogues, comme dans de nombreux enregis