David Lynch est l'invité, «en résidence», de la Cinémathèque française (CF) jusqu'à la fin du mois. Le cinéaste culte par excellence, dans le lieu par excellence du culte cinéphile. Car c'est bien en France qu'est née, durant la Première Guerre mondiale, cette passion à la fois avant-gardiste et régressive qu'est la cinéphilie. Ici plus qu'ailleurs, elle repose sur l'édification d'un panthéon d'«auteurs», c'est-à-dire de réalisateurs artistes, si possible maudits, incompris et/ou marginaux, distingués, par un public choisi de happy few, du vulgum pecus de l'industrie cinématographique. Quelques «cinéastes» (mot ad hoc inventé par Louis Delluc en 1920) vont pouvoir ainsi incarner les héros de la création artistique libre et subversive opposés au conformisme industriel.
Dans les années 20, Erich von Stroheim représente ainsi la figure sacrificielle idéale, dont l'œuvre est mutilée par les marchands du temple hollywoodiens ; puis il y aura Welles ou Lang, entre autres, dans une longue généalogie dont Lynch est le brillant rejeton. Car la figure lynchienne a tout pour satisfaire le fétichisme auteuriste de la cinéphilie française, née en 1916, structurée dans les années 20 et 30 autour du combat pour la légitimation du cinéma en tant qu'art, et figée dans ses réflexes par la doxa Cahiers («politique des auteurs») des années 50.
Il est, d'abord, l'homme aux «multiples talents» (dixit le site internet de la CF) : sa légitimité de cinéaste est renforcée par