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Mémoire, l’Etat fait son propre état des lieux

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Le musée s’inscrit dans une instrumentalisation dont l’histoire n’a cessé de faire l’objet.
par Michèle Riot-Sarcey, Histoire contemporaine, Université Paris-VIII.
publié le 15 octobre 2010 à 0h00

L'histoire de France devrait-elle se donner à voir comme un chef-d'œuvre ? L'idée même d'un Musée de l'histoire de France apparaît aujourd'hui totalement incongrue. La France serait-elle menacée ? La nation devrait-elle rassembler autour de «son histoire» un peuple au bord de la guerre civile ? Le pays serait-il resté «un agrégat de peuples désunis», comme le décrivait Mirabeau ? Pourquoi, aujourd'hui, imaginer nécessaire de rassembler, trier, classer, présenter des documents censés représenter l'histoire de France ? Cette histoire ne serait-elle pas plurielle, multiple et contradictoire ? N'est-elle pas avant tout conflictuelle, comme toute histoire ?

Malgré toutes les précautions rhétoriques des rapporteurs du projet gouvernemental, nous ne pouvons éviter de soupçonner ses promoteurs d'une partialité qui serait guidée par la volonté de lisser, à leur mesure, le parcours sinueux d'une histoire qui ne peut, cela va sans dire, se limiter aux contours de l'Hexagone. Si tout individu éprouve le besoin, dans ses années d'apprentissage, de «références identificatoires à travers les textes et les réseaux imaginaires» (Marcelle Marini, l'Histoire des femmes, vol. 5), cette démarche formatrice participe d'abord de l'héritage symbolique et échappe à l'éducation collective, a fortiori à la muséification.

Inversement, les initiateurs du projet souhaiteraient construire de toutes pièces une histoire qu’ils offriraient, tel un monument, au public ravi de