Il y a 92 ans, l’armistice mettait fin à la plus meurtrière des guerres de l’histoire. Un jeune artiste de Dresde, Otto Dix, s’engageait alors dans une œuvre hantée par cette catastrophe.
Montée avec le collectionneur Ronald Lauder et son musée new-yorkais, une exposition au musée des beaux-arts de Montréal (1) ranime le souvenir de ce peintre à l’itinéraire singulier. Riche de 220 œuvres, elle est la plus importante qui lui ait jamais été consacrée en Amérique, et une des plus complètes sur les années de déréliction dont il se fit le témoin impitoyable.
Né en 1891, Otto Dix avait été, avant le conflit, une figure de «l’expressionnisme», dont les promoteurs, impressionnés par la découverte de Van Gogh et Gauguin, entendaient exprimer la force des sentiments par la stridence des couleurs. C’étaient de jeunes rebelles d’extrême gauche, révoltés par la misère, fascinés par l’essor des grandes villes. Cela ne les empêcha pas d’adhérer à l’élan nationaliste dès l’ouverture des hostilités (comme nombre d’artistes français, du reste). Ainsi, 300 000 Allemands se portèrent volontaires dès août 1914, parmi lesquels la fine fleur intellectuelle du pays. Elle voyait dans cette épreuve un exercice de purification qui allait donner naissance à une union allemande guérie de la décadence bourgeoise. Voire à un «homme nouveau», régénéré dans la camaraderie des combats, la Frontgemeinschaft, suivant les termes repris de Nietzsche ou de l’écrivain Ernst Jünger dont la pensée marqua profondément