Menu
Libération
grand angle

Meatyard, un talent flou

Article réservé aux abonnés
Les images de l’opticien de Lexington (Kentucky), empreintes d’un subtil décalage, sont exposées à Montpellier.
publié le 30 décembre 2010 à 0h00

En apparence, Ralph Eugene Meatyard (1925-1972) est l’archétype de l’Américain du Sud bien tranquille. Carrure d’athlète, bon job, trois gosses avec Madelyn McKinney. Mais il a un hobby, la photographie, qui l’entraîne vers une double vie, aux frontières du rêve et proche de ses lectures poétiques. L’opticien de Lexington (Kentucky) se plaît dans le flou, c’est là son signe particulier, qui donne un certain tremblement à ses images, comme s’il s’amusait à superposer les couches du réel. C’est un décalage anodin, des petites failles temporelles qui renvoient le spectateur à ses propres histoires. Ou à ses peurs lorsqu’il lui prend l’envie de cacher les visages avec des masques bosselés. Et voici les Meatyard au complet, posant sur les gradins usés d’un stade de base-ball, les trois enfants et leur mère, tête coupée, son masque sur les genoux. Bonjour la famille modèle : que des affreux !

Ralph Eugene Meatyard a de l'imagination. Il aime aussi ravir ses modèles avec des bouts de mots. Des rimes perdues. Des traces graphiques. Ainsi son autoportrait devant un volet noir, en 1965, mains à la taille sur un pantalon sport, à sa droite, YARD en lettres capitales. Au-dessus de lui, telle une auréole, la lettre A. Comme abracadabra ? Ou amateur, comme il se présentait : en semaine, les rébus optiques et le week-end, l'appareil photo afin de construire une œuvre désormais riche de plus de 6 000 images. Ne pas croire qu'il chasse dans la nature au hasard, l'écho est son credo : «Je