Même s’ils furent tous deux des pionniers de l’art moderne, tout semble opposer Monet, célébré à Paris, et Gauguin, auquel Londres consacre une grande exposition pour la première fois depuis un demi-siècle. Il n’est pas difficile de savoir quel est le plus sympathique des deux mais, à la Tate, Belinda Thomson voudrait sortir le monstre d’égoïsme du «jugement moral rétrospectif» dans lequel il a été enfermé.
Pour remettre dans le contexte - à défaut d'excuser - le détestable caractère de Paul Gauguin, elle souligne son côté «faiseur d'histoires». Un homme qui a fait de sa propre vie une légende, celle d'un artiste maudit, aristo indien, déclassé, perdu parmi les sauvages et sauvage parmi les rapins. Belinda Thomson voit dans cette «stratégie narrative» le moyen de s'affranchir du groupe impressionniste. Il lui fallait rompre, la quarantaine passée, avec une vie bourgeoise pour se consacrer à la peinture. Il lui fallait quitter Paris pour élaborer un langage singulier dans une région aussi primitive que la Bretagne, la foi superstitieuse chevillée au granit.
Mystique. La Tate réussit à rassembler tous les tableaux religieux de cette période, dont la Vision du sermon de 1888. Rarement montré hors du musée d'Edimbourg, en Ecosse, ce petit chef-d'œuvre de couleurs pures et de lignes simplifiées eut un grand impact sur Matisse ou Kandinsky. La scène confronte des jeunes filles en prière à l'épisode biblique de la lutte entre Jacob et l'ange : en po