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Critique

Staline se mue en diable blanc dans «Lettres d’amour»

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Théâtre. A Vincennes, Juan Mayorga imagine un relation aussi névrosée qu’improbable entre l’écrivain Boulgakov et le dictateur soviétique.
publié le 29 avril 2011 à 0h00

Drôle de passion que celle de Staline et Boulgakov. Le premier pouvait-il susurrer aux heures les plus secrètes de la nuit«je n'arrête pas de penser à toi ?», à l'auteur mystique qui dépeignait les ruelles de Moscou ? Dans la «fantaisie» de Juan Mayorga - le mot est du dramaturge - Lettres d'amour à Staline, oui. Mikhaïl Boulgakov, écrivain et homme de théâtre né à Kiev, vilipendé par la critique pour ses pièces satiriques, injurié tour à tour pour son apolitisme et ses idées «de droite», a bien entretenu une relation - épistolaire - avec Staline. A sens unique. Pendant dix années, il multiplie les requêtes pour séjourner à l'étranger. Le 18 avril 1930, le dictateur passe un coup de fil. Mais l'espoir est vite déçu pour l'auteur, qui meurt en 1940 dans la misère, sans jamais avoir mis les pieds hors d'URSS.

Cloîtré. Voilà pour la part historique. Car ce que Mayorga propose ici ne s'apparente en rien à un exercice de reconstitution. C'est, au sens propre, la vision d'une descente aux enfers qui semble répondre à la question : dans quelle marmite Boulgakov a-t-il pu écrire le Maître et Marguerite, son œuvre la plus connue, à laquelle il a consacré les douze dernières années de son existence ?

Nous voici au moment fatidique, Staline est au téléphone. Cloîtré dans la misère d’une pièce unique trop meublée, l’écrivain déchu ne regarde plus Moscou par la fenêtre. Il tourne en rond. Sa femme tente vainement de briser l’isolement. Car Boulga