Les collégiens qui visitent l’exposition Gallimard à la Bibliothèque nationale de France (BNF), à Paris, sont invités par leurs profs à se pencher sur une «fiche de lecture» de la maison d’édition, qui va fêter son centenaire le 31 mai. C’est-à-dire un de ces formulaires cartonnés remplis par les préposés au tri sélectif des manuscrits qui déferlent rue Sébastien-Bottin par paquets.
Sur la fiche rose datée du 13 décembre 1949, une écriture manuscrite commente avec autorité : «Excellent. Evidemment, ça rappelle les premiers romans américains, un peu trop parfois. L'auteur aurait intérêt à supprimer la page 12, trop analogue à la Ford de la Route au tabac [d'Erskine Caldwell, ndlr], et aussi à plus situer son roman - il parle bien du Pacifique. Mais encore une fois, avis très favorable.» Ainsi Raymond Queneau résume-t-il ses impressions de lecture d'Un barrage contre le Pacifique, de Marguerite Duras.
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Le collégien n'est pas vraiment dépaysé. Une fiche de lecture de Gallimard, c'est très proche de la correction d'un devoir : une appréciation rapidement formulée, suivie d'une note. Ici la note (l'«avis» pour être précis) va de 1 à 3, selon que le lecteur estime qu'il faut absolument publier le manuscrit, ou absolument l'écarter. Le Barrage, troisième roman de Duras, reçoit l'avis 1 et sera en librairie en 1950. De cet auteur, Gallimard avait déjà édité la Vie tranquille en 1944.
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