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Libération
Critique

La censure à l’œuvre

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Un essai documenté balaie cinq siècles d’interdits.
publié le 21 mai 2011 à 0h00

La censure d'une œuvre par la loi publique ou le vandalisme privé dit autant l'état des mœurs d'une société que les créations artistiques elles-mêmes. C'est bien connu mais c'est encore mieux en le répétant. Revenant sur cinq siècles d'images interdites et transgressives dans un très beau livre sur l'Art face à la censure, Thomas Schlesser accomplit un excellent travail de mémoire autour de la liberté d'expression. Non seulement en recensant 150 œuvres censurées (inventaire non exhaustif) mais en les accompagnant d'un commentaire précis et sans affect - disons chirurgical - pour expliquer le contexte et les arguments des censeurs.

Historien d'art et journaliste au magazine BeauxArts, il s'est spécialisé dans les liens entre les champs esthétique et politique. L'actualité récente vient de livrer un exemple archétypique d'une censure privée : le saccage du Piss Christ de l'artiste Andres Serrano, revendiqué par la Coordination défense de Versailles, connue pour son combat contre l'art contemporain. C'est sur ce genre artistique que s'achève l'ouvrage de Schlesser qui évoque, à propos du XXe siècle, l'ère de la «transgression permanente» avec Mapplethorpe, Hermann Nitsch, Nan Goldin, Larry Clark. «Les artistes sont en quête d'expression de ce que la vie a de plus tragique, de plus noir et de plus laid», écrit-il. Les premières pages s'ouvrent sur l'origine de l'art affiché comme tel : la Renaissance, quand l'artiste s'émancipe, s'individualise.