La caboche d'un journaliste a ses raisons et ses rhizomes que la raison ignore. Une heure après avoir quitté Haider Ackermann, c'est Gengis Khan qui nous vient ex subito en tête, comme comparaison. Gengis Khan, en boucle. Alors que passés la moustache tombante, le regard noir perçant et le teint mat, le casting ne tient pas. Il n'y a rien de conquérant ou de sanguinaire chez Haider Ackermann qui, à «Ambition ?», répond de sa voix claire et chaude comme le fœhn : «Parvenir à trouver la sérénité avec une personne.» Et à «Rêve ?» : «Continuer de rêver, précisément, ne pas perdre cette disposition. Mais rêver avec d'autres, pas seul.» Dans le suave hôtel du rendez-vous, place des Vosges, le canapé nous happe et Ackermann nous désarme de sa bienveillance lumineuse et surannée, qui tutoie parfois le précieux. Et tant pis si douceur et humilité peuvent relever de l'art de la guerre, paralysantes à souhait.
Haider Ackermann aurait de quoi bomber le torse, se sentir enfin arrivé. Dix ans après le lancement de sa marque de prêt-à-porter féminin, financé par la petite structure belge bvba 32, son nom court dans le milieu de la mode à la manière d'un sésame. Il est celui dont il ne faut pas rater les défilés, qui font l'unanimité, de l'oracle de l'Herald Tribune Suzy Menkes à la blogueuse de base. D'aucuns vont jusqu'à oser un «nouveau Saint Laurent» - autant dire Dieu. Et Ackermann de truster les paris, dans le mercato du chiffon : l