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grand angle

Trois hommes dans un fauteuil

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François Weyergans entre aujourd’hui à l’Académie française. Il occupera le siège 32, hanté par les spectres de Maurice Rheims et d’Alain Robbe-Grillet. Epilogue d’une succession tumultueuse.
publié le 16 juin 2011 à 0h00
(mis à jour le 16 juin 2011 à 16h05)

Cet après-midi, l’écrivain François Weyergans sera reçu sous la haute Coupole du quai de Conti et posera son maigre séant sur le fauteuil 32 de l’Académie française. Ceci n’a pas en soi une importance considérable. Notez tout de même que ce fauteuil 32 se trouve être celui dans lequel Alain Robbe-Grillet, le «pape du Nouveau Roman», n’a jamais daigné venir s’asseoir jusqu’à sa mort en 2008. Cela rend la chose un peu plus originale. C’est un siège très vacant dont le dernier occupant, le commissaire-priseur Maurice Rheims disparu en 2003, attend toujours qu’on vienne lui rendre hommage, et avec lui sa famille, qui trépigne. Là, l’histoire devient tout à fait cocasse.

Mais commençons par le règlement : tout nouvel académicien est reçu solennellement sous la Coupole quelques mois après son élection, cérémonie lors de laquelle l'intéressé doit prononcer l'éloge de son prédécesseur. C'est un exercice épouvantable, autant pour celui qui écrit que pour ceux qui écoutent. Alfred de Vigny, qui occupa lui aussi le fauteuil 32, dut rendre hommage à un certain Charles-Guillaume Etienne, homme dont la principale qualité fut d'être élu deux fois à l'Académie (proscrit par le nouveau régime, il fut exclu en 1816 puis réélu treize ans plus tard). Le poète romantique débita une louange kilométrique ourlée de phrases insensées : «Distrait comme La Fontaine, Charles-Guillaume Etienne avait comme lui cette grâce de narration et de dialogue qui se plaît à jeter des voiles transparents sur les