Chaque jour, il les observe, tous ces gens qui passent devant sa librairie. Toujours pressés. «Vous avez vu ? Ça ne sourit pas beaucoup…» constate Emmanuel Delhomme. Comme il a moins de clients, ce libraire parisien a plus de temps pour regarder ses contemporains, foule urbaine qui passe souvent sans le voir : «On se croirait dans un dessin de Sempé.»
C'est une petite librairie surchargée de bouquins, coincée entre une boulangerie Paul qui ne désemplit pas et un salon de thé asiatique «qui marche si bien qu'il ferme à 16 heures». Au centre du dessin de Sempé, il y aurait ce personnage, barbe poivre et sel, l'air un peu dépité. Ignoré par la foule qui envahit les enseignes voisines. Les librairies de quartier ont du mal à survivre, c'est connu. Cette année, pour la première fois, il a passé des «journées à zéro euro», des mois «jusqu'à - 70% sur les ventes». Du jamais-vu depuis trente ans. Du coup, Emmanuel Delhomme se demande parfois comment payer le loyer, 5 000 euros par mois. C'est cher, comme ce quartier de Paris qui, à coup de spéculations à la hausse, s'est totalement vidé de ses habitants. A deux pas des Champs-Elysées, l'avenue Franklin-Roosevelt, où Emmanuel Delhomme a ouvert Livre Sterling au 49 bis, est devenue un quartier d'affaires. On y vient bosser, pas traîner dans une librairie. Surtout celle-ci, qui snobe les best-sellers. On ne pratique pas ici le culte de la nouveauté. Le livre qu'il défend en ce moment ? Le