Menu
Libération

Mademoiselle Juliette

Article réservé aux abonnés
Au festival d’Avignon, le retour magistral de Juliette Binoche sur les planches. Avec Strindberg, vingt ans après «la Mouette».
"Mademoiselle Julie" d'August Strinberg, mise en scène Frédéric Fisbach. (Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon)
publié le 11 juillet 2011 à 0h00
(mis à jour le 11 juillet 2011 à 10h52)

«Nous allons fuir ! Mais d'abord nous allons parler, c'est-à-dire, je vais parler, car jusqu'ici vous avez été le seul à le faire.» C'est Mademoiselle Julie qui parle, nous sommes au milieu de la pièce et l'irrémédiable s'est déjà produit : la nuit de la Saint-Jean, la jeune aristocrate orpheline de sa mère a couché avec Jean, le domestique de son père, absent de la maison. Pour dire ce «je vais parler», Juliette Binoche n'a pas besoin d'élever la voix. Juste d'appuyer légèrement sur le «je». S'il est cet instant dans la salle des spectateurs dont l'esprit vagabonde, le rappel à l'ordre est comme un coup de fouet. Mademoiselle Julie met les choses au point, elle «va raconter sa vie», et l'actrice Juliette Binoche met les choses au point avec elle. Elle parle, et beaucoup peuvent aller se rhabiller : ce n'est pas tous les soirs qu'on est témoin d'une aussi magistrale leçon d'intelligence du théâtre. «Ce soir Mademoiselle Julie est de nouveau folle ; complètement folle.» Ce sont les premiers mots de la pièce, dits par Jean, avant que Kristin, la cuisinière, sa fiancée, ne précise un peu plus tard : «Elle a ses règles en ce moment ; ça la rend toujours un peu bizarre.»

Instinct vital. Dans sa crudité et son oscillation permanente de pulsions et de sentiments, la pièce de Strindberg, écrite en 1888, a derrière elle plus d'un siècle de modernité. Les farandoles de la Saint-Jean y sont plus qu'une toile de fond, Mademoiselle