Il s’intéressait au paradis - ce lieu, disait-il, où nous n’irons jamais, à moins que nous nous y retrouvions tous. Il s’était intéressé aux chiens célèbres, aux cannibales, aux momies du Yucatan comme à l’invention de l’écriture : cela avait donné plusieurs livres écrits à quatre mains depuis une vingtaine d’années avec son ami et complice Guy Stavridès (1). Mais aussi, c’était son occupation dévoreuse ces derniers mois, aux aspects économiques, politiques, diplomatiques, stratégiques induits par l’histoire de la Shoah.
Tout l’intéressait : il aurait fallu à Pierre-Antoine Bernheim plusieurs vies. La sienne s’est arrêtée brutalement le 19 juillet alors qu’il venait d’avoir 59 ans et que résonne dans nos têtes le titre du dernier chapitre d’un de ses livres : «La mort d’un juste».
Outre la Fondation Noêsis dont il aura été le seul membre, il aurait fallu inventer pour ce chercheur libre qui avait fui l’ENA, les affaires, la banque, une école buissonnière des hautes études. Lui qui aurait pu enseigner dans les universités étrangères les plus prestigieuses rêvait sans se l’avouer d’être élu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Sans doute était-il trop vert pour briguer cet honneur qui aurait consacré son talent, son intelligence critique, son goût de la dispute au sens le plus philosophique qui soit.
Ne rien négliger, ne rien tenir pour acquis, tout passer au crible de la raison, même les évidences les plus communément partagées, voilà les outils intellectuels de Pier