Novembre 1922. Marcel Proust vient de mourir à l’âge de 51 ans. La Nouvelle Revue française (NRF) décide de confectionner dans l’urgence un numéro hommage rassemblant les témoignages d’amis, de proches et de lecteurs éminents. Vont y participer Reynaldo Hahn, Lucien Daudet, Jean Cocteau, Paul Morand, Valéry Larbaud, Philippe Soupault, Ramon Fernandez, André Gide, Pierre Drieu La Rochelle, Joseph Conrad et bien d’autres qui évoquent qui une longue amitié, qui un simple moment partagé ou une impression de lecture. L’éditeur Gaston Gallimard, lui, s’en tient à un court récit de sa première rencontre avec Proust, qui avait eu lieu en août 1908 à Benerville-sur-Mer, près de Deauville (Calvados). Les deux hommes avaient respectivement 27 et 37 ans. Le premier n’était pas encore éditeur, le second n’avait pas encore entamé son grand œuvre.
Gaston Gallimard ne dit pas un mot de la suite de leurs relations, expliquant que ce premier contact «est resté le point autour duquel sont venues par la suite se grouper toutes [ses] impressions». Peut-être aurait-il été plus exact de dire que cette première rencontre avait surtout été la moins désagréable, la suite des rapports entre l'écrivain et de celui qui deviendra son éditeur ayant été plutôt heurtée. La publication en 1989 de la correspondance Proust-Gallimard a montré en effet à quel point les deux hommes ont entretenu des relations conflictuelles. Marcel Proust n'a jamais pardonné le refus initial du manuscrit de Swann