Alors qu’il y a dix ans une toile de Darger (pleine de fillettes en petites culottes) était estimée aux alentours de 15 000 euros, certaines se vendent désormais dix fois plus cher. Là où un excellent Wölfli ne dépassait guère les 20 000 euros, ses tableaux atteignent actuellement les 200 000 euros.
Mutation. L'art brut est-il devenu institutionnel ? La mutation de notre rapport à la folie et l'arrivée des psychotropes dans les années 60 ont peut-être mis sens dessus dessous ce qu'on appelait parfois l'art «des fous».
Benoît Decron, conservateur du musée Soulages à Rodez (Aveyron) et spécialiste du peintre Gaston Chaissac, considère qu'«il n'y a plus d'art brut à partir de 1945 ; l'art brut, comme tout art, ayant un début et une fin». Point de vue historique. A contrario, le galeriste parisien Christian Berst continue de dénicher de nouveaux représentants de l'art brut, mais refuse ceux qui viennent le voir en se réclamant du mouvement. Pour lui, «un véritable artiste brut ne saurait être au courant de l'existence de [sa] galerie». C'est ainsi que Berst s'est intéressé ces derniers temps aux travaux psychotiques de Melvin Way, artiste schizophrène qui emplit ses petits formats d'équations mathématiques sibyllines.
Le collectionneur Bruno Decharme, directeur de la galerie Abcd (Art brut, connaissance et diffusion), s'est, lui, intéressé aux motifs anxiogènes de George Widener (obsédé par le naufrage du Titanic, ainsi que par toutes les grandes