Juste avant l'heure du déjeuner, ce lundi 1er janvier 1990, Vaclav Havel a fait venir au Château les caméras de la télévision nationale pour adresser ses vœux à ses compatriotes. Tenue sobre - son premier costume, bleu nuit, lui a été offert par les employés de l'entreprise de mode masculine Adam, qui n'imaginaient pas «un président en pull-over et chemise ouverte» -, une feuille de papier serrée entre les mains, et le regard bleu un peu perdu dans l'œil de la caméra.
Dans les foyers tchèques et slovaques, en allumant leur poste de télévision, beaucoup doivent se frotter les yeux pour y croire et chasser d'un coup les brumes du réveillon. Pendant quinze ans, le 1er janvier, ils ont entendu en lieu et place le terne Gustav Husak, fossoyeur du «Printemps de Prague» et main de fer de la «normalisation». Vaclav Havel est président de la République tchécoslovaque depuis trois jours. Il a 53 ans, n'a jamais rêvé à un tel destin, et la plupart de ses concitoyens ne connaissent son visage que depuis quelques semaines, la presse et la télévision officielles s'étant toujours bien gardées de faire la promotion des «ennemis du socialisme». Quant à ses livres, ils sont encore tous interdits.
Poète de l’absurde
«Le Zéro au Château !», avait hurlé la foule, à la fin de cette année 1989, sur la place Venceslas de Prague, sans trop oser croire à cette bonne blague, mais bravant le froid polaire par centaines de milliers pendant des jours et des jours. Elle s'impatientait,