Que s'est-il passé dans la tête de Michel Jonasz pour qu'entre 1967 et 1972, sa musique soit partie en quenouille (pour être poli) à ce point ? En témoigne un disque désormais introuvable qui regroupe les 45 tours enregistrés à la fin des années 1960 avec le King Set (chez EMI), formé avec le guitariste Alain Goldstein. A l'époque, Michel Jonasz et Alain Goldstein, amis du quartier Pelleport, dans le XXe arrondissement de Paris, jouent ensemble depuis quelques années sous le nom les Lemons, accompagnant notamment le soul man Vigon, belle réussite de groove produit en France en imitant le son de la Motown.
Les deux garçons fréquentent le Golf-Drouot, ancêtre des discothèques parisiennes à l'époque des yé-yé. Le King Set naît en 1967 pour explorer une musique plus électrique et grandiloquente, tentée par le rock progressif alors naissant. Apesanteur est le premier titre à sortir de cette évolution, qui délaisse la moiteur soul autant que les gamineries pop. La chanson, composée par Alain Goldstein et Claire Charbonnier, est étonnamment raide et moite pour l'époque. Michel Jonasz, qui n'a pas encore opté pour les chafouineries marmonnées qui seront plus tard sa signature, chante clair et déclame des paroles psychédéliques droguées dans lesquelles un homme rencontre l'amour extraterrestre. «On dirait une femme ou deux / Avec des sortes de cheveux / Avec des espèces d'yeux / Avec des lèvres au milieu. […] Acier fondu / Mon cœur à nu.» La musique est au