C'est le cri du quotidien. Alarme, ovation ou constat, la manchette a été choisie en fin de journée, la veille, sur le brasier des nouvelles. Equilibre entre hiérarchie et sensationnalisme, elle a pour première mission d'appâter le passant. Celui de la Mort dans l'âme de Sartre qui la cherche sans débourser : «Il se baissa pour nouer ses lacets de souliers. Il cherchait à lire, par en dessous, les manchettes de la première page.» Elle doit frapper les esprits en endossant les plus gros caractères. Parfois en recourant aux lettres capitales. «Massacres en Bulgarie», annonce en lettres grasses la une étalée devant les yeux du héros du Pilote du Danube de Jules Verne.
La manchette livre en pâture la grande histoire à la rue, perverse captivée par les guerres qui font vendre. «Sur la façade du kiosque à journaux, les éditions spéciales arboraient des manchettes menaçantes : Toute l'Europe en armes… La situation s'aggrave d'heure en heure…»écrit Roger Martin du Gard dans le volet sur l'été 1914 de sa série «les Thibault». Elle goûte aux faits divers qui dramatisent la réalité, font vibrer les cœurs sensibles. «Elle était morte sur le coup et le lendemain, un journal paraissait avec cette manchette : Deux cent mille kilos sur la tête d'une concierge ! Ce fut toute une oraison funèbre» (le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux). La manchette de une n'arrive qu'au neuvième rang des définitions du Littré en 1873. Deux siècles plus t