Le journal s'ouvre à la lumière, il œuvre la nuit. Le secrétaire de rédaction n'a jamais son nom dans les colonnes qu'il s'applique pourtant à aligner au cordeau. «Couché à six heures du matin, levé à quatre heures de l'après-midi, il ne découvre le soleil que pendant les longues journées d'été - et il n'y trouve point de plaisir. Sur le coup de cinq heures du soir, il arrive à son bureau, il ne le quitte que pour dîner hâtivement, puis il revient au "marbre"», raconte Robert de Jouvenel dans son opus, le Journalisme en vingt leçons (1920), encore très actuel.
Mais si ce fameux marbre, quand la presse s’assemblait encore à l’atelier, représentait le tourment quotidien du secrétaire de rédaction, il était aussi sa chasse gardée. De retour le soir, il pénétrait dans un antre à nul autre pareil. Une fourmilière blafarde et gaillarde, différente de l’atmosphère de la rédaction où les reporters avaient plié les gaules. Des tables alignées sur lesquelles des ouvriers armés de cutters et de typomètres construisaient la page qu’il avait tantôt conçue. Ou, une époque plus tôt, suant à aligner les lettres de plomb. Un royaume qui datait de Gutenberg s’il vous plaît, et qui sombrera définitivement avec le numérique.
Au XVe siècle, le terme marbre (du latin marmor) était déjà coulé dans le bronze. «Partie de la presse sur laquelle on place la forme» dit-on en 1522. Le dictionnaire Furetière, 1690, précise : «Les imprimeurs appellent auffi