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coquille Bourdon casse couilles

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[Les mots de la presse 4/6] . Lettres manquantes, mots disparus… L’erreur de composition occasionne incidents et catastrophes.
publié le 24 août 2011 à 0h00

La coquille est plus connue que le bourdon, plus grave il est vrai. La première frétille, légère, prend une lettre pour une autre. Le second oublie carrément le mot, défigure une phrase, trappe un passage. Celui-là faisait hurler Sainte-Beuve qui écrivait dans sa Correspondance : «L'essentiel est d'éviter les bourdons […]. Les trois quarts des classiques réimprimés sont pleins de bourdons, parce qu'on ne lit pas l'épreuve.»

Les coquilles et les bourdons ont toujours été les perles de la presse «déchaînée», régal du Canard. Leur découverte, une fois imprimés, quand il est bien trop tard, fout en rogne. On les imagine sauter aux yeux du lecteur agacé. Puis coquilles et bourdons rejoignent le fleuve des erreurs, la dérision du bêtisier. C'est quand même un bourdon qui aurait déclenché la guerre de Russie en 1812, rapporte Eugène Boutmy, auteur du savoureux Dictionnaire de l'argot des typographes (1883). Le rédacteur du Journal de l'Empire, parlant d'Alexandre et de Napoléon, avait écrit : «L'union des deux empereurs dominera l'Europe.» Sans les lettres «ion», la phrase devint: «L'un des deux empereurs dominera l'Europe.» La faute typographique eut sans doute bon dos.

Elle était commise à l'atelier de composition quand la presse se fabriquait au plomb. Les coquilles, ou «couilles» en argot, étaient dues aux erreurs de rangement des caractères dans leur casse d'origine. Le typographe se trompait alors en composant le te