La sortie discrète en France de Pain noir est incomparable à l'émotion qu'a suscitée ce film en Espagne, où sa lecture des lendemains de la guerre civile - opposant deux régimes d'horreurs se parant derrière des idéaux politiques pour mieux cacher leurs secrets - a fait couler des barils d'encres polémiques.
Aux derniers goyas (les césars espagnols), le film raflait tout ou presque : neuf statuettes, dont meilleur film, meilleur scénario, meilleure photo, meilleur metteur en scène, et des récompenses par flopées pour les acteurs. En dehors du meilleur make up et du meilleur son (magnanimement laissés au reste du troupeau), Pain noir a tout pris, asseyant en Espagne le culte autour de son metteur en scène, Agustí Villaronga.
Celui-ci est surtout connu pour son inquiétant Tras el cristal (1987), où il croisait Gilles de Rais et nazisme, torture et pédophilie. Etrangement, cette réputation, qui s'étend jusqu'aux Etats-Unis (ses films sont en DVD chez Cult Epics, et le Lincoln Center était fier, l'an passé, de le recevoir), n'a guère franchi les Pyrénées, sauf pour les trois folles de service spécialistes ès clips Mylène Farmer (laquelle lui a commandé celui de Fuck Them All).
Pain noir surprendra les amateurs d'étrange, car il a perdu en chemin le décorum SM de Tras el cristal pour gagner, croit-on, une certaine respectabilité : le cadre est soigné (mais Villaronga aime toujours surligner ses plans), et on débat avec sévérité d