Son QG c'est Quartier, rue Voltaire à Genève, pâtisserie-bimbeloterie qui planque ce que la ville ne compte pas de banquiers. Cinq minutes de retard, le Suisse est excentrique. C'est jeudi mais on chôme de ce côté du lac en souvenir des Protestants châtiés. L'artiste est catholique, endimanché comme tous les jours, moins par goût des affaires que de la courtoisie. Silhouette symétrique sans être bipolaire : côté face, une cravate, et pile, une tresse grisonnante bercée depuis des décennies aux pas de ses baskets. Ça sonne comme l'Helvète Undergroundautour d'une infusion glacée.
D'accord avec le peintre américain James Whistler (1834-1903) : l'art est devenu un «lieu commun pour l'heure du thé». A 63 ans, John Armleder pratique la discussion comme un régime détox, un élégant mélange de maïeutique et de philosophie zen. C'est dans l'espace du groupe Ecart, cofondé au début des années 70, qu'il exerce d'abord son commerce du monde. Les visiteurs d'une heure ou d'une minute sont accueillis au 6, rue Plantamour, à deux pas du Léman, la théière à la main. Cette urbanité fait date à la biennale de Paris. Quand d'autres se pressent sur les cimaises, lui assure le service, délie les langues et les esprits en ébullition, avec ou sans sucre. Il annonce en 1975 Infusion diffusion : l'art de vivre devient un art contemporain. Cette irruption de la banalité en lieu et place de l'œuvre est un dada hérité de Fluxus. La performance armlederienne, selon les principes