Le dessinateur Mathieu Sapin a passé six mois immergé dans la rédaction du quotidien Libération. Sorti depuis le 21 septembre, son album Journal d'un journal restitue l'expérience.
Qu’est-ce que vous avez appris sur le fonctionnement d’un journal, que vous ne soupçonniez pas?
Que Libération est un journal protéiforme, mélangeant des habitudes très ancrées et une évolution permanente. Il n'y a pas de routine et chaque journée est différente. C'est très fatigant quand on essaie de tout noter. Un jour, on sort des toilettes et on croise Jean Paul Gaultier qui vient relifter le journal. Le lendemain, on rencontre un ancien du journal qui veut prendre le soleil sur la terrasse. Des nouvelles têtes arrivent, d'autre partent. C'est un journal vivant.
Vous avez scrupuleusement respecté les détails et les couleurs des habits, sacs, chaussures, de chacun. Pourquoi?
Pour faire plus entomologiste. De même que j’essaie de noter les vrais dialogues, tels que je les entends. Ma mise en scène tire parfois vers l’absurde et le grotesque. Ce souci du réalisme me permet d’être plus crédible dans la restitution de mes scènes de la vie d’un journal (de gauche).
Qu’est-ce que vous avez censuré?
Je suis resté assez flou sur les questions relatives aux chiffres de vente, qui sont très complexes et qu'il faut remettre dans le contexte (m'a-t-on expliqué). J'ai viré quelques réflexions qui mettaient mal à l'aise certains journalistes et rayé des saillies humoristiques qui auraient pu sembler de mauvais goût. Par contre, j'ai évité toute langue de bois et n'ai pas hésité à rapporter certains propos comme quoi «DSK aurait un penchant pour le sexe faible». Je tiens à ce qu'on souligne cette forme de courage journalist