Michel de Montaigne, philosophe et maire de Bordeaux, avait fait peindre sur le plafond de sa tour une sentence latine : «Je suis homme et rien d'humain ne m'est étranger.» Michelangelo Pistoletto, artiste et philosophe, pilier de l'Arte Povera dans les années 60, prend la tête de la biennale bordelaise Evento avec autant d'humanisme. A 78 ans, l'Italien travaille à la transformation responsable de la société.
Vous avez carte blanche dans une ville entière, est-ce un rêve d’artiste ou de philosophe ?
Les deux ! Il ne s’agit pas de transformer les Bordelais en artistes ni d’imposer les artistes comme gouvernants. Nous voulons que l’art devienne un paramètre de politique publique, qu’il permette l’assouvissement de rêves collectifs plutôt que de cauchemars individuels.
Comment cela se manifestera-t-il ?
Les artistes ouvriront au public des «chantiers de savoirs partagés». Ils proposeront aux visiteurs de mettre en œuvre des projets créatifs et coopératifs à l’échelle urbaine. Evento n’est pas une biennale comme les autres ; l’art n’est pas à côté de la ville, cantonné dans des institutions. Ici, la plate-forme est esthétique et éthique, c’est la ville elle-même.
Cette biennale ne dure que dix jours ; est-ce une contrainte ?
L’intensité est une idée ré-évolutionnaire qui incite les gens à participer. Il ne s’agit pas de contempler l’événement dans le temps, mais de l’investir. Nous préparons les chantiers depuis plus d’un an. Les œuvres devraient surgir après un travail d’intégration sociale conduit par les artistes, les associations et les institutions de la ville. Nous avons essayé de forger un système qui pourra subsister au-delà des dix jours.
Est-ce une forme de développement durable ?
Oui, mais p