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Libération
TRIBUNE

Des rencontres à la page

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par Francesca Pollock, Psychanalyste et traductrice
publié le 27 décembre 2011 à 0h00

Chers libraires,

Bien entendu vous avez mille fois, dix mille fois raison. Mea culpa.

Vous disparaissez ou allez disparaître et nous allons le regretter, mais il sera trop tard. Trop tard pour revenir sur nos pas, trop tard pour vous supplier de revenir parce que les grandes enseignes auront avalé tous les petits commerces de quartier dont vous êtes encore aujourd’hui, mais pour combien de temps ?

Vous n’êtes pas les seuls, d’autres ont disparu avant vous et qu’avons-nous fait ? Que faisons-nous pour le cinéma le Balzac qui se bat corps et âme pour rester en vie aux abords des Champs-Elysées ?

Qu’avons-nous fait pour que les disquaires restent en vie ?

Nous, consommateurs, sommes sans cesse tiraillés entre raison et pulsion. Ce tiraillement incessant se fait sentir intérieurement, pas une journée sans y penser, sans vouloir que le temps s’arrête un peu pour reprendre ses esprits. La raison voudrait que l’on pense à vous, que l’on prenne le temps d’attendre, que l’on ne sous-estime pas le temps qu’il faut pour accéder aux choses, aux concepts, au savoir, que l’on ne sous-estime pas les mots échangés avec vous, les ramifications possibles, les rivières souterraines, bref ne pas sous-estimer la relation humaine.

De l’autre côté, il y a la pulsion sans cesse sollicitée par cette société de consommation qui s’adresse directement à elle, sans nous consulter, et qui exige toujours plus et plus vite. Cette pulsion n’attend pas, c’est immédiatement qu’il faut lui répondre. C’est elle qui n