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Libération

Le masque des lucioles, le visage de l’année

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Le rictus figé qui s’est démultiplié en 2011 symbolise la résistance des anonymes qui, au Caire ou à Wall Street, s’opposent à la tyrannie, politique ou financière.
publié le 30 décembre 2011 à 0h00

Dans une lettre écrite à l'hiver 1941, Pier Paolo Pasolini évoque sa découverte des lucioles, insectes minuscules dont la luminescence nocturne serait comme celle d'un contre-pouvoir et d'une résistance. Dans son livre Survivance des lucioles, Georges Didi-Huberman reprend et dispute cette comparaison. Dans le comics, puis le film hollywoodien V pour Vendetta, le héros cache son visage brûlé derrière un masque et lutte pour débarrasser son pays du régime totalitaire qui l'opprime. Une lettre, un livre, un film. Peut-on mélanger des cartes qui viennent de jeux aussi différents ?

Même s’ils n’ont pas lu Pasolini ou Didi-Huberman, ni vu le film de McTeigue, les protestataires qui cette année ébranlèrent la planète ont exprimé, quelle que soit leur hétérogénéité, qu’il était possible de réanimer l’esprit de résistance des lucioles, renversant des dictatures qu’on disait infrangibles, campant aux portes du capitalisme financier qui se fantasmait immortel pour lui demander des comptes. A la recherche d’une nouvelle philosophie politique, tels des enfants inconscients de Freud et Machiavel, les petits princes et princesses de la contestation avancent orphelins, meurtris et masqués. Anonymous défiguré est l’homme et la femme de l’année.

A Madrid, au Caire ou à Wall Street, ils se disent «indignés». Bien évidemment cette qualification fédérative ne suffit pas. Mais comment les nommer autrement ? Le peuple ? On sait au XXe siècle à quelles épouvantes ont con