Le 1er janvier 1883, Juliette Drouet, 76 ans, écrit à Victor Hugo, 80 ans : «Cher adoré, je ne sais pas où je serai l'année prochaine à pareille époque, mais je suis heureuse et fière de te signer mon certificat de vie pour celle-ci par ce seul mot : JE T'AIME.» C'est là tout le texte de l'ultime lettre que Juliette a adressée au poète. Elle meurt quatre mois plus tard.
Celle qui fut pendant cinquante ans la maîtresse, la reine de cœur, la muse, la copiste et parfois même la conscience de Hugo, lui a dressé un invraisemblable monument de papier, plus de 20 000 lettres. Celle qui vécut dans l'ombre du «grand homme», dans une claustration volontaire et une adoration quasi divine (mais non dénuée d'ironie), a laissé une correspondance sans équivalent dans l'histoire, tout au long de laquelle brûle la même flamme passionnelle. Mais le nom de Juliette Drouet s'est plus ou moins effacé de la mémoire collective, alors même que Victor Hugo lui avait promis au début de leur amour : «Si mon nom vit, votre nom vivra.»
Deux actrices françaises se sont lancées, indépendamment l'une de l'autre, dans des entreprises de résurrection de cette héroïne méconnue. A intervalles réguliers, ces deux femmes font ressurgir Juliette de sa tombe de Saint-Mandé, ou plutôt font tomber son esprit du ciel. Chaque année depuis vingt-trois ans, aux alentours de la mi-février, Anne de Broca organise pour quelques dizaines de fidèles un «rituel théâtral» (c'est son expressi