Il est parfois, dans le monde de l'art contemporain, des silences retentissants. Pour moi l'exemple le plus récent et le plus énorme est celui réservé à l'œuvre du peintre Paula Rego par ceux qui font l'opinion artistique en France, et l'ignorance quasi absolue dans laquelle se trouvent par conséquent les Français quant à l'importance et même à la simple existence de ce peintre. Célèbre non seulement au Portugal où elle est née en 1925, mais en Angleterre où elle vit et travaille depuis un demi-siècle (et aux Etats-Unis où elle expose souvent), Rego demeure une quasi inconnue dans l'Hexagone. Comment est-ce possible ?
Je l'ai découverte il y a deux ans au centre Gulbenkian à Lisbonne : suis tombée en arrêt devant deux toiles géantes, traitant l'une et l'autre, avec beaucoup d'humour et d'audace, du thème de l'agression sexuelle. Intriguée, ai cherché et trouvé, à la librairie du musée, un grand livre sur Rego. Me voyant tituber sous le choc de cette découverte, le jeune caissier m'a appris qu'un musée entier lui était consacré (chose rarissime pour une artiste vivante) : la Casa das Histórias à Cascais. Ai sauté dans un train dans l'heure, m'y suis rendue, n'en suis pas encore revenue.
Comment est-ce possible ? Un peintre de cette envergure, de ce génie, de cette productivité, travaillant dans tant de médias différents (pastels, dessins, gravures, huiles…) et femme par-dessus le marché (je dis «par-dessus le marché» parce que me passionne de