De janvier 1971 à mars 1973, l'écrivain portugais António Lobo Antunes a été médecin militaire en Angola. C'est la guerre, tout est vert, «le vert me sort par les yeux», et pas seulement le vert. Il a 28 ans. Quand il part, sa femme est enceinte de quatre mois. Il ne verra sa fille qu'en septembre, lors d'une permission. D'Angola, il écrit des lettres à l'absente. Elles sont publiées en 2005 par leurs deux filles, qui écrivent en préface : «Voici donc le livre d'amour de nos parents, duquel nous sommes nées et dont nous sommes fières.» Est-ce bien ça ? Les écrivains aiment si bien de loin… C'est ce livre d'amour univoque, sinon équivoque, qu'Aurélia Petit et Lazare Boghossian, acteurs et couple dans la vie, font entendre, comme une sonate de cinquante minutes.
On est dans une petite salle, au troisième étage, et il fait chaud. Quelqu'un ouvre les fenêtres, la porte, et, au-delà du fleuve et sous les arbres, les lumières de la ville et le périphérique apparaissent, comme des phrases d'amour en guerre. Dans le noir, d'abord, ce que Ponge appelait «le flot de purin de la mélodie mondiale» : une revue de presse radiophonique fictive résume les horreurs internationales de l'année 1970. C'est le prélude symphonique. Il est dit par la soprano informative Cécile de Kervasdoué, qui fit la revue de presse sur France Culture de 2006 à 2011. De guerre, il sera ensuite assez peu question. Aurélia Petit lit les lettres, ou plutôt les feuillette, en y prélevant ce