Avec Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871), on part de loin. Pour mettre la mauvaise ambiance, citons tout de suite Berlioz, qui raconte ce conseil à lui donné par Auber : il faut «écrire platement, et, quand vous aurez fait quelque chose qui vous paraîtra horriblement plat, ce sera justement ce qu'il faut. Et songez bien que, si vous faisiez de la musique comme vous la concevez, le public ne vous comprendrait pas et les marchands de musique ne vous achèteraient pas».
Star en son temps, relégué à un nom de gare RER à notre époque, Auber vivant était déjà considéré comme un faiseur académique par les expérimentateurs. C’est son nom, et ceux de Boieldieu, Rossini ou Meyerbeer qui irriguent pourtant la réflexion esthétique d’un Balzac ou d’un Stendhal sur la musique. Si l’on entrevoit de fait le rapport entre Berlioz en 1830 et les toiles de Géricault ou les vers de Hugo, le romantisme d’Auber est plus dur à concevoir deux cents ans après, autre qu’historique.
La Muette de Portici (1828) est considéré comme le prototype du «grand opéra», sorte d'équivalent du drame historique avec grand ballet et foule scénique, dont Verdi puis Wagner feront leurs choux gras. Deuxio, la Muette est bien connu pour avoir provoqué la révolution belge de 1830 à coups de tzin-boum dans les oreilles (ah, l'affreuse fanfare rossinisante). Mettant en scène des pêcheurs qui se révoltent contre un roi étranger, le livret de Scribe poussa involontairement le public bruxellois à