On suffoque assez vite dans le petit chapiteau qui, malgré la climatisation (éteinte juste avant la représentation), a accumulé la chaleur de la journée. Mais il en faudrait plus pour déprécier le Président, de Thomas Bernhard qui, dans une mise en scène subtilement économe de Michel Raskine (un fond bleu, un rectangle jaune au sol et nous voilà au Portugal, sur les bords de l'Atlantique), vaut bien ses cent minutes d'immersion. Texte des années 70 dont la virulence intemporelle frappe d'emblée, la pièce évoque le crépuscule d'un couple de tyrans qui, après avoir survécu à un attentat - fatal à un colonel et au chien de la First Lady -, s'enfonce dans un isolement parano (elle : «En chaque individu il y a un anarchiste») et atrabilaire (lui : «Ni ami des hommes ni ami des bêtes»). Construit en deux longs soliloques, le Président (1) décline sur un ton absurde, grinçant et féroce une réflexion sur le couple, le pouvoir et les illusions que l'un et l'autre induisent parfois. Marief Guittier et Charlie Nelson forment un tandem adéquat de pantins, à peine moins dérisoires que les marionnettes (la femme de chambre, l'ambassadeur, le masseur...) qu'ils manipulent à l'occasion.
Les Nuits de Fourvière ayant un solide appétit, la création française de Raskine précède une autre première, cette fois mondiale, donnée à la nuit tombée. Dans l'escarpement du théâtre multiséculaire, la troupe québécoise Les 7 Doigts de la main présente Moment