Un type de taille «assez élevée», avec des couronnes dentaires «en platine à gauche et en or à droite», «un luxueux costume gris», et «un béret hardiment tiré sur son oreille», qui s'exprime avec un accent germanique : tel apparaît Woland aux premières pages du Maître et Marguerite, et tel surgit, fidèle à l'original (même si sa longue gabardine noire lui donne aussi une étrange parenté avec l'abbé Pierre), l'acteur Paul Rhys, qui interprète le diable dans la cour d'honneur du palais des Papes. Faux rigide grand et mince, simultanément sarcastique et naïf, il tient ferme la barre du spectacle, chef de file d'une troupe de seize acteurs qui relève le pari d'une traversée du roman de Mikhaïl Boulgakov en trois heures, sans ennui ni temps mort.
Artiste associé de cette 66e édition du Festival d'Avignon, Simon McBurney se définit lui-même comme un «raconteur d'histoires». Sa version du Maître et Marguerite tient de la BD à ligne claire : elle suit fidèlement les étapes du roman, ses folles embardées dans le Moscou des années 30 et la Jérusalem du premier siècle, et va au plus efficace sans le trahir ni l'édulcorer, même si elle laisse en chemin une part de son foisonnement et de ses difficultés. McBurney met en œuvre avec dextérité un théâtre de vignettes qui illustre tout en inventant. Une façon de faire qui le rapproche d'un Wajdi Mouawad, artiste associé en 2009, ou de Robert Lepage, le metteur en scène canadien