Le spectacle de Christophe Honoré pourrait s'appeler «Boulevard du Nouveau Roman». Les prophètes de chez Minuit, soudain virevoltants, battent le vaudeville et la chamade. Ils semblent réinventés tantôt par Demy, tantôt par Sagan, tantôt par Guitry, tantôt par un jeu télévisé. Ils dansent, chantent, s'engueulent, font rire, soupirer ou pouffer. Sur le grand plateau, autour d'un bureau de juge, ce sont bien leurs paroles qu'on entend, mais la musique a changé. Peau d'écrivain, peau d'âne, peau finalement à retirer : sous l'histoire d'une aventure allant de la publication de Molloy de Beckett à la mort de Jérôme Lindon, tout ou presque est dit ou montré, mais d'un battement de cil, de cœur, l'insouciance apparaît. Les combats de la forme ne vont pas sans légèreté. En Avignon, Duras, Robbe-Grillet et les autres sont jeunes, énervés, insolents, potaches, bavards, sexy, télégéniques, émouvants, vaniteux, profonds, superficiels ; d'un mot, vivants.
Ils expliquent leurs démarches avec leurs vrais textes, mais, comme ils ne s'entendent pas, ils font des thérapies de groupe et des réunions de type alcooliques anonymes, sur une grande estrade aux marches arrondies recouvertes d'une affreuse moquette datée, à motifs floraux. Ils disent leurs expériences de la guerre, mais ils dansent la salsa, mettent la main dans le slip, jouent de la guitare électrique. Ils s'amusent à faire des jeux de mots culinaires qui exaspèrent une partie du public : «Du riz Ollier», «Une tranche de