Il y a les reconstitutions en costumes, Katie Mitchell donne une reconstitution en squelette. Ce qui est mis en scène n'est pas un spectacle avec des personnages, mais un dispositif de lecture d'une austérité répétitive implacable, dans un gymnase. Le squelette est un livre de l'écrivain allemand W.G. Sebald, les Anneaux de Saturne, publié en 1995. Il y raconte sa longue marche à travers le comté de Suffolk, en Angleterre.
La région a connu gloire et richesse dans la seconde partie du XIXe siècle. Elle est, comme tant d'autres, livrée à la désolation. Le récit se mêle à celui d'un séjour à l'hôpital, un an plus tard, l'écrivain étant alors «saisi d'une incapacité totale à [se] mouvoir». Approche de la mort dans un monde voué à la destruction : tel est le thème de ce grand livre aux multiples variations. Sebald, décédé en 2001 sur une de ces routes de campagne anglaise qu'il décrit si bien, comme dissous dans ses textes, est un maître de la mélancolie digressive.
Sur scène, deux tables de bruitage, des instruments partout. Les récitants immobiles se relaient pour dire des extraits du texte et bruiter ce qu'il décrit : le vent, la mer, les portes, les oiseaux, et avant tout les pas solitaires du marcheur. Ils sont jeunes, vêtus de noir, parfois ils font ensemble un geste lent, genre secte : on dirait un épisode de X-Files dans un bar berlinois. Un panneau s'ouvre au fond : Sebald paraît sur son lit d'hôpital, immobile et muet, dans une chamb