A quoi servent des personnages qui s'adressent à un théâtre qui n'existe plus ? Ils errent et font l'aumône avec leurs cicatrices, leurs souvenirs et leurs chiens, comme des âmes en peine, comme des routards dans Avignon. Ils sont, dit l'un d'eux au metteur en scène, pris dans leur drame sans texte, «dans une réalité immuable qui devrait vous faire frissonner rien qu'à vous approcher de nous». Mais ce metteur en scène imaginé par Pirandello ne frissonne pas, car il est nul. Comme l'est, par un pervers effet miroir, la mise en scène de Stéphane Braunschweig : aspirée par la médiocrité, la lourdeur, qu'après Pirandello il voulait dénoncer. La médiocrité, c'est dangereux, parce que c'est contagieux.
Quel est le sujet de cette pièce de 1921 ? Lisons Pirandello : «J'ai voulu représenter six personnages qui sont à la recherche d'un auteur. Leur drame ne parvient pas à être représenté, précisément parce que fait défaut l'auteur qu'ils cherchent ; et ce qui, par contre, est représenté, c'est la comédie de cette vaine tentative qu'est la leur, avec tout ce qu'elle a de tragique du fait que ces six personnages ont été refusés. […] De ces six personnages, j'ai donc accueilli l'être, en refusant leur raison d'être.» Faites confiance à l'auteur, c'est le meilleur résumé de la pièce.
Bordel. Naturellement, ses personnages ont une histoire. Elle est née de son imagination, et il prétendait - ruse de l'auteur - la trouver «sans valeur». Ils finissen