Sur scène comme dans la vie, le cancer du tragique est incurable : il emporte dans ses cris, son imperturbable sérieux et ses gesticulations, tout le corps du spectacle. W/GB84, mis en scène par Jean-François Matignon, dure deux heures quarante ; pour ceux qui assistent à l'agonie, c'est long. La pièce est «librement adaptée d'extraits de romans de David Peace et de Woyzeck de Georg Büchner». Deux excellents auteurs, forgeurs de voix et as de la scansion, chacun suffisant à la modeste peine d'une représentation. A glisser l'un dans l'autre, Matignon tue l'un par l'autre. Peace aimant Poe, c'est le Double Assassinat dans la rue Morgue.
Kitsch. Le roman du Britannique qui guide tout, c'est GB84, évocation inspirée du conflit des mineurs de 1984-1985. Il dura un an et se solda par une victoire de Margaret Thatcher. Chaque personnage, sous forme de journal, dit la grève de son point de vue. D'une part, autour de Maggie, des sbires de la Special Branch et un homme d'affaires nommé Stephen Sweet, que certains appellent le «Juif». Il dort dans un drapeau anglais. Son chauffeur passe son temps à lui donner son manteau pendant qu'il parle, injurie. Ce chauffeur porte veste de cuir noir, il est méchant, il se suicidera. Vers la fin, on entend le Hort Wessel Lied (l'hymne du parti nazi), tandis qu'un ange wagnérien assez minable tourne autour d'un mannequin hitlérien. Thatcher était assez odieuse pour qu'il soit inutile de l'