Drôle d'objet. Bancal en apparence, qui oscille entre récit à la première personne, reportage ethnographique, brûlot politique, théâtre et cinéma. Los Santos Inocentes est un spectacle qui n'arrête pas de disjoncter, dépassé par la force du courant qui le traverse, mais s'obstinant à mettre le doigt dans la prise.
Cela commence joyeusement par un anniversaire et un voyage vers un paradis tropical. Fondatrice, avec son frère Rolf, du Mapa Teatro de Bogotá (lire ci-contre), Heidi Abderhalden est née un 28 décembre. Ce qui, explique-t-elle au micro en robe de bal devant une petite boutique d'accessoires festifs (ballons et cotillons), constitue dans le monde hispanique une date particulière. Celle du «jour des innocents», censé commémorer, dans le calendrier chrétien, le massacre des nouveaux nés de Galilée ordonné par Hérode, mais transformé en jour de fête comparable au 1er avril : on y fait des farces aux dépens de tous les «innocents» qui s'y laissent prendre. Le massacre et la farce, c'est très exactement le sujet de los Santos Inocentes.
Mitraillette. Le 28 décembre 2009 donc, Heidi, accompagnée d'un ami acteur, prend un petit avion pour Guapí, localité du département de Cauca, sur la côte pacifique de la Colombie, dont la population est majoritairement d'origine africaine. Rivières, lagunes, cocotiers, rien ne manque aux cartes postales filmées par les hublots de l'avion. Heidi veut aller à Guapí parce que s'y tient, c