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Anonymous, masque attaque

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[Identités collectives 1/6] . Jusqu’à vendredi, une galerie de héros mythiques, figures inventées mais instruments de luttes réelles. Aujourd’hui, les plus célèbres des anonymes : un réseau de trolls devenu une armée de justiciers.
publié le 20 juillet 2012 à 21h46

«Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien», cette caricature de Peter Steiner, parue dans le New Yorker en 1993, illustrait ce qui faisait alors l'un des principaux attraits du réseau naissant, la possibilité d'être anonyme. Un cyberespace libératoire où les genres, les races, l'apparence, n'avaient plus cours, où tout un chacun, protégé par l'anonymat, pouvait se réinventer en ligne.

Depuis l'arrivée du Web 2.0, c'est une conception totalement opposée qui s'est imposée. La dissolution, le brouillage des (et du) genres ont fait place à un retour de la notion normative d'identité, Facebook vous sommant de décliner votre identité réelle d'entrée. Délire sécuritaire et marchandisation des données personnelles concourent à cette pression pour faire coïncider irrévocablement identité en ligne et identité légale. C'est précisément à ce moment qu'émerge du fin fond de la Toile l'insaisissable et chaotique hydre Anonymous, pseudo englobant des initiatives décousues allant du trolling aux revendications politiques. Comme le confesse l'anthropologue de la culture geek Gabriella Coleman (1), qui leur a consacré des enquêtes approfondies, il est difficile, voire impossible, de discerner qui ou quoi se cache derrière ce masque. «Hackers d'élite, ados ignorants, dangereux cyberterroristes, simples trolls [perturbateurs] à l'humour potache ? Aucune de ces définitions n'est fausse, car chacune rend compte d'une facette du phénomène. Cependant, tout